Le livre que publie Georges Brival est avant tout un livre de passion et de générosité. Passion d’un homme pour la mer et pour les marins pêcheurs, les travailleurs de la mer. Passion d’un homme pour la yole et le Tour de Martinique de yoles qu’il a imaginé et créé envers et contre tout. Passion d’un homme pour son pays et ce Tour de yoles qu’il avait d’emblée conçu comme un puissant vecteur de son identité et comme devant être le moteur d’une formidable entreprise aux retombées multiples. Un livre de générosité aussi, car il est de bout en bout un hommage à ces valeureux équipiers qui, dans les conditions les plus précaires, ont accepté de s’embarquer avec lui dans ce qui se présentait alors comme une « folle aventure ».
L’ouvrage nous fait vivre de façon palpitante cette aventure du 1ertour, du début à la fin, étape après étape, avec ses bonheurs et ses aléas, dont le plus dramatique fut sans doute l’étape de Saint-Pierre où tout manqua tourner court, et qui vit l’équipée héroïque à deux doigts d’une lamentable débâcle. En effet, au vu de la distance entre Saint-Pierre et les différentes communes du Sud dont ils sont originaires, les coursiers et leurs suiveurs décident de dormir sur place. Georges Brival raconte la suite : « Mais je ne dispose que d’une cinquantaine de matelas. Je me retrouve seul face à ces hommes qui viennent de passer pour certains plus de 5 heures sur un bois dressé ou une pagaie. Ils m’ont fait confiance, mais ont à cet instant le sentiment d’avoir été piégés, d’autant plus que les membres du comité leur avaient « prédit leur avenir ». J’ai vu quelques uns d’entre eux chercher de tous côtés ou un morceau de carton ou une page de journal afin de passer la nuit, d’autres n’ayant que le choix de dormir sur le carrelage de la cantine, short et maillot mouillés, ou alors secs, auquel cas ils étaient plein de sel. Le lendemain, je les trouve « remontés comme des réveils » ; certains équipages, après avoir pris leur petit déjeuner, me font savoir qu’étant donné les conditions dans lesquelles ils ont passé la nuit, ils refusent de prendre le départ » . Finalement, « cé bien passe cé ou nou ka pati ». Le Tour sera bel et bien bouclé et l’aventure du Tour des Yoles sera ainsi lancée.
Outre le récit captivant de l’épopée de ce 1ertour, l’ouvrage comprend des développements fort instructifs, notamment sur la fabrication de la yole, la composition de l’équipage et le rôle dévolu à chacun en course. Il souligne l’importance de la création dès l’origine des Bébés Yoles comme école de formation des jeunes en vue d’assurer la relève et les liens tissés avec les gommiers et les Avirons de la Martinique.
André PIERRE-LOUIS